regardez mai, comme elle est belle. les yeux clos allongée sur le canapé élimé, les cheveux emmêlés, mal coupés. regardez mai, cette étincelle. des bouteilles de bières chinoises sur la table basse, des mégots dans l’cendrier, de clopes et de joints qu’hoa pourrait fumer ouais, mais qu’avec mai, parce qu’autrement elle se sentirait mal. regardez mai, elle est si elle. sa respiration régulière qui crie qu’elle en a rien à foutre et ses jolies mains liées comme dans une prière inconsciente. c’est drôle. y a rien de plus débile qu’une mai qui prie. hoa la regarde du pas de la porte. longtemps. pour toujours. elle fait que ça : la regarder. elle sait tellement plus quoi penser. elle a les yeux qui piquent mais elle veut pas pleurer, elle se déteste et elle déteste mai aussi. pour la faire se sentir comme ça, si nulle, si faible, si amante mal aimée et pas aimable pour un sou.
(pauvre conne vite active-toi, fais quelque chose, n’importe quoi)
jeter les bouteilles à la poubelle, vider celles à demi-pleines dans l’évier de la cuisine. l’odeur lui donne des haut-le-cœur ; ce soir hoa brille pas autant que d’habitude. balancer les cendres par la fenêtre, y balancer celles de son cœur aussi peut-être.
(arrête de trembler, tu fais pitié)
tomber nez-à-nez avec la basse de mai. se rappeler de pourquoi hoa l’avait aimée la première fois. le souvenir en coton de ses doigts sur les cordes et après entre ses cuisses, ses lèvres pincées (demoiselle concentrée) puis qui lui murmurent des obscénités (et des fois des secrets, doux et qui les font rire), là, au creux d’son cou. et son regard façon âme à l’agonie, qui la déshabille avec bien trop de respect. c’était bancal, oui c’est vrai. chaotique, terrible, voué à pas grand-chose. mais mai, elle comptait. et hoa elle le sait, parce que là maintenant elle s’met à chialer. d’accord elle a trop bu, d’accord elle est fatiguée. mais voilà, y a mai juste là dans le canapé. mai qu’elle pensait aimer pour l’éternité et elle toi toi elle pauvre conne même pas foutue de dire pardon, nous deux c’était pas rien comme une grande fille. merde hoa t’as qu’à sauter, envole-toi avec les cendres. ça arrivera un jour tu sais bien, t’es déjà à demi consumée.
hoa corps à terre, pleurs silencieux mais déchirés, qui s’étouffe dans son pathétique, sait plus à quoi s’accrocher. reine des histoires foireuses, qu’ose même pas effleurer la basse de mai, s’autorise pas non plus à la regarder, tellement ça lui brûle.
et la carcasse de mademoiselle là-haut, à quelques pas. trop loin pour l’entendre, trop bien pour l’aimer. la nargue, l’achève, la
h a i t.
les aiguilles tournent, hoa s’calme enfin. les yeux rouges recouvre mai de sa veste à fourrure (celle que tout le monde a). mai ouvre les yeux. mai a les yeux rouges. « t’es défoncée, mai. » constat d’échec mais c’est même pas triste et ça sonne pas comme un reproche. le tragique est bien là, mais si implicite que personne ne le voit.
hoa la regarde dans ses restes d’iris.
elle la trouve toujours très belle.
elle n’a pas envie de l’embrasser.