浮世 ∞ transient world

沖田 莲花

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after that, the days ferment like apricot wine.
you bite his lips the right kind of russet,
make music of his spine.
and then at night, you dream
of plunging your fist through his ribs
to tear out the songbird inside.

— apricot wine.  ashe vernon

Chrysanthèmes. Veillée. Veillée funèbre. Veillée d’un homme. De son cœur. Chrysanthèmes. Monde monochrome. Maman est fatiguée. Maman est vraiment fatiguée Hana qu’on lui dit en ébouriffant ses cheveux. Les gens sont tristes. Les gens sont sombres. Et on lui lance des regards qu’il ne comprend pas. Il s’accroche à son doudou, s’accroche au kimono de sa mère. Elle est décalée dans un kimono. Ca ne lui va pas. Il la préfère dans ses robes d’été, il la préfère quand elle le fait voler là sur le sable, quand ils se perdent ensemble dans la forêt de pins. Mais elle ne le regarde pas, ne le voit pas. Son père, papa, vient de mourir et c’est dur. Si dur. Elle a le cœur en lambeaux maman. Et il est trop jeune. Sa petite main dans la sienne n’apporte pas le réconfort qu’il voudrait lui donner. Maman ne pleure plus au moins. Elle a le regard loin dans des souvenirs. Des souvenirs qu’elle lui raconte le soir. Berceuse. Nostalgie. Des souvenirs qui lui serrent le cœur. Parce qu’elle l’aime tellement maman. Elle attend encore son retour. Elle lui parle de ces bouquets de fleurs. Elle lui parle de cette petite boutique de fleurs qu’il aimait tant. Elle lui parle de lui comme s’il était vivant, comme s’il allait revenir. Il est marin. Elle est fière maman. Il est marin, sa seule amante c’est la mer. Il est marin, mais il est mort dans les bras d’une autre. Et elle s’y refuse à y croire. Lian Hua vit avec un fantôme. Il vit avec une ombre, celle qui glisse dans les yeux de sa mère et qui éteint les étoiles à l’intérieur. Et il essaye vraiment. Il essaye de se rappeler du visage de son père, mais ça lui échappe, et l’ombre reste sans visage, non définie. Il sait juste que son père l’aimait. Qui l’a nommé. Lian Hua, lotus. Un lotus un peu sombre pourtant dont les sourires ne peuvent sauver sa mère.

Lys. Ca sent le lys. Ca sent le lys dans le bureau du médecin et il a ses petites mains, si petites accrochées sur le tissu de son pantalon. Il est tombé malade. Crise. L’air absent. Trop lointain. Il est tombé malade. On a cru au pollen. On a cru à tant de choses. Il est tombé malade. Et il affronte le diagnostic, seul. Diabète. C’est pas grave. Ca se soigne. Il ne faut pas qu’il affronte ça seul. Diabète juvénile. Il a huit ans à peine. Huit ans, un corps un peu trop maigre, et un pancréas déjà foutu. Il a huit ans et on lui parle déjà d’un avenir limité. Il écoute pourtant le médecin, acquiesce à tout mais son esprit se porte sur sa mère. Sa mère qui a de moins en moins le courage de se lever, d’aller travailler. Sa mère avec qui il a du aller à Tokyo, petit quartier tranquille mais bien loin de Shizuoka. Sa mère qui se tue au travail, serveuse dans un petit restaurant de quartier. Mais sa mère qui se perd. Sa mère à l’esprit absent, rêveuse, triste. Il pense à ce qu’il va lui imposer et il s’en veut. Ses larmes ne sont pas celles d’un enfant inquiet pour sa maladie. Ses larmes sont pour sa mère et l’idée qu’il sera un poids pour elle, et que s’il disparaît, qui s’en occupera de sa mère ? Qui ? Mais le médecin le réconforte. C’est pas grave si c’est bien soigné. Doses d’insuline dans les veines, visites fréquentes, il peut même choisir son docteur à l’hôpital. C’est pas grave. Mais où sont ses parents. La question est posée et il explique que maman avait un rhume ce jour là, qu’elle n’a pas pu venir. Mensonge. Maman ne s’est pas levée aujourd’hui. Elle n’a pas su, et elle a pleuré toute la matinée tandis qu’il se préparait pour l’école. Mais il sourit Lian Hua, alors on ne pense pas. On ne pense pas qu’il a décidé d’affronter ça seul, de le cacher à maman. Il sourit que voulez-vous.

Pot pourri. Des fleurs fanées à la pelle. Maman ne se lève plus. Elle n’a plus le courage. Mais dans le quartier ils ne sont pas très aimés. Etrangers. Il y a beau avoir le nom d’Okita sur la porte de l’appartement, étrangers. Alors Lian Hua fait avec. Un sourire, il retrousse ses manches. Après les cours, il va travailler dans le restaurant où sa mère était avant. Il nettoie les tables, va donner des prospectus, ce n’est pas beaucoup, mais avec la pension que donne l’état à sa mère, c’est suffisant. Il est rythmé Lian Hua. Rythmé tandis que sa vie s’effiloche. Rythmé et minutieux. Il a des habitudes. Mais c’est pas grave. C’est pas grave. Maman est en vie et il sourit. Il est aimé à l’école. Hana pour la plupart, c’est ce garçon souriant. Il est aimé à l’école. Des sourires à la pelle, des gestes gracieux. Il voudrait faire du sport mais il ne peut pas, alors il reste sur les premières marches des gradins et il encourage les différentes équipes avec les filles. Il voudrait manger une glace après le collège avec ses amis, mais souvent il se retient. C’est pas grave. Il est intégré. Okita Hana, ça sonne bien. Assez pour qu’on s’interroge quand on voit les caractères de son nom. Haussement d’épaules il avoue qu’il est métissé. Qu’il s’appelle Lian Hua, mais comme c’est trop dur, on l’appelle Hana. Ca en dérange certains, il a appris à faire avec. Puis à la maison on parle en chinois, mandarin même. Y’a des accents d’un pays qu’il ne connaît pas à la maison. Y’a des accents et des souvenirs qui ne sont pas à lui à la maison. Et y’a ses notes de musique. Il joue de la guitare. Ses doigts glissent sur l’instrument et quand il arrive à arracher un sourire à sa mère il se dit que tout va bien.

Lotus. L’odeur de l’eau est présente autour de lui. Il sent bon les fleurs. Il survit Lian Hua. Il survit. Il a fini l’école, il a commencé l’université. Il en fait trop. Sans doute. Il en fait trop. Il faut pourtant. L’état ne donne plus de pension à sa mère, alors il faut qu’il travaille. Maman ne se lève plus du tout. Elle le confond parfois avec son père. Ca fait mal. Il ne lui ressemble pas à son père. Pas vraiment. Maman divague. Se perd. Maman … Il a peur que maman s’en aille, qu’elle le laisse. Il a sans doute plus peur de ça, que de son diabète. Que de ses reins un peu capricieux ces temps-ci et des contrôles fréquents à l’hôpital. Il a sans doute plus peur de la solitude que d’entendre le mot dialyse. Mais c’est pas grave. Tant qu’elle est là, il sourit. Et quand elle est lucide, quand elle se redresse un peu, qu’elle prend son visage en coupe, il voudrait lui dire. Lui dire qu’il a peur quand même, que son corps c’est une bombe à retardement et qu’un jour il va le lâcher. Mais elle est si belle quand elle sourit alors il ne lui dit rien. Il préfère lui parler de la faculté, du travail au konbini qu’il aime beaucoup avec la fille de la patronne avec qui il rit pendant ses soirées. Il préfère parler de son travail chez le fleuriste, c’est pour ça qu’il sent les fleurs, ou encore des gens qu’il rencontre dans ce restaurant. Il préfère lui parler de cette jeune femme mignonne qui lui avait pris le cœur au début de l’année et de ce garçon au sourire tendre qu’il a aimé des mois durant mais aux baisers au goût de sel. Il préfère lui parler de tout que de cette ombre là au coin de son regard. Maman je vais mourir. Parce qu’elle sourit. Avec cette adoration douce, elle lui sourit, lui murmure à quel point elle est fière, à quel point il serait fier aussi. Et il sourit aussi. Il sourit toujours Lian Hua. Eternel printemps. Lotus en fleur il sourit.

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<buzy>xu minghao -- the8 + seventeen --</buzy> okita lian hua