Long time no see || Nakajima Camille

Il y avait des choses qui lui restaient en travers de la gorge, à tel point que les digérer était tout bonnement impossible. Cette rencontre en faisait bel et bien partie. Il le revoyait encore. La manière qu’il avait de lui sourire avec une touche d’ironie indéniable, sa façon de le regarder, presque sceptique. Supérieure. C’était sans oublier ses mots. Insupportables. Jamais personne n’avait osé lui sortir ce genre de choses. C’était impardonnable. Mais, pire encore, personne n’avait jamais su lire au fond de lui avec une telle exactitude. Personne n’était jamais parvenu à deviner tant de choses. A les exhiber de cette façon, les mettre à jour. Izao détestait cela. Qu’on le cerne de la sorte. Qu’on lui parle sur ce ton. Qu’on le traite de gamin. Car il n’en était définitivement pas un. Dans son esprit, profondément décharné, une nature, autre, se profilait. Et ce n’était certainement pas celle d’un enfant. Il en était conscient, et ce peut-être malgré lui. Mais aussi, il ressentait encore la pression, joueuse, de ses lèvres sur les siennes. Il s’était moqué et, de surcroît, l’avait pris à son propre jeu de façon mémorable. Le jeune homme n’avait pu rêver d’une meilleure soirée pour fêter le nouvel an. Il était tout simplement hors de lui.

Et s’il le revoyait... Cela faisait bien une semaine que cette pensée tournait en boucle dans sa tête, à la manière d’un vieux disque rayé. « Et si... » Mais alors quoi ? Qu’aurait-il voulu faire, dire ? L’agresser verbalement, le frapper ? Se décharger de la honte –l’affront- qu’il avait pu ressentir. Mélange confus de colère, de frustration et ... d’attirance. Car oui, il ne pouvait nier, en dépit de toute la rage qu’il éprouvait, que l’inconnu exerçait toujours ce quelque chose sur lui. Quelque chose de fascinant, de poignant. Incompréhensible. Mais particulièrement rageant. C’était précisément ce à quoi il pensait alors qu’il traînait les pieds pour se rendre en cours. Les examens terminés, c’était la reprise, avec de nouvelles matières pour la plupart. Izao n’en avait strictement rien à faire : c’était à peine s’il s’était présenté à toutes les épreuves. Et cela, au fond, importait peu. Papa s’arrangeait toujours pour le faire passer. En effet, son père s’arrangeait toujours pour faire le ménage autour de lui, arrondir les angles et nettoyer les pots cassés. Pas que les pots cassés, d’ailleurs ... Il eut un rire amer. C’était bien le cas de le dire.

Parce qu’il s’y était pris trop tard –comme à son habitude- il avait ramassé des options qui ne l’intéressaient pas. La seule chose qui comptait véritablement à ses yeux était de pouvoir gratter les cordes de son petit bijou, s’enfermer dans son monde. Mais il avait trop à penser pour parvenir à apprécier la musique comme à l’ordinaire. Aller en cours était donc la seule occupation lui étant apparue comme susceptible de combler, quelques heures seulement, ses préoccupations misérables. Et au programme, il commençait par...philosophie. Il en aurait certainement ri, si ce sujet ne lui rappelait pas une discussion qui l’avait laissé sur sa faim. Il s’assit donc au fond de la salle pour traîner tranquillement sur son portable. Ce n’était pas comme s’il comptait écouter le dit-court. Après quelques minutes, le professeur finit par arriver, présentant quelques excuses quant à son retard. Le jeune homme ne leva même pas le nez de son téléphone. Il n’en avait pas grand chose à cirer, après tout. Néanmoins, quand l’homme se présenta en tant que professeur « Nakajima Camille », il fut intrigué par sa voix. Ne l’avait-il pas déjà entendu ? Lorsqu’il releva les yeux, son regard croisa celui du professeur. L’étudiant, en même temps que lui, se figea sur place. Cela ne pouvait pas être vrai, si ?... Eh bien si, cela semblait réel.  Le fameux psychologue parvint cependant à garder son sang froid et continua son cours comme si de rien n’était. Izao resta silencieux tout le long, gardant cependant son regard braqué sur lui. Cette situation devait être un de ces fameux coups du destin, pas vrai ?

Il attendit sagement la fin du cours pour se retrouver seul avec l’homme. Il ne croyait tout de même pas qu’il allait gentiment le laisser partir, non ? « Nakajima Camille. Était-ce si dur de me donner votre nom la dernière fois, professeur ? » Izao souriait de façon carnivore. Il parlait avec une extrême politesse, ironique. Il referma la porte et se plaça devant, les bras croisés. Il avait bien envie de le retenir un peu ici, si ce n’était plus. « Je crois que nous n’avions pas terminer notre discussion de l’autre soir. Je serais curieux d’en apprendre plus sur vous. Est-ce que vous pourriez comprendre ce genre de perte, vous ? » Son sourire s’agrandit. « Je suis un gamin immature et arrogant qui a besoin de savoir, après tout » Il commençait gentiment. Mais avec la découverte de sa profession, il comptait bien se servir de cela pour l’embarrasser comme il se devait de le faire.
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